Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Mes mots random...

22 mars 2009

Note de bas de page.

Il est rare que je m'adresse à toi aussi directement.

Aujourd'hui je vais le faire pour te parler de ce qui survient dans ma vie et des répercussions que cela va avoir sur les mots que je couche ici depuis des années.

Quelques-uns le savent, je vis depuis plus de trois ans avec ClaireObscure une histoire d'amour passionnée et passionnelle. L'homme dont il est question dans son blog est moi, tout comme elle est la femme dont il est question dans la quasi-totalité de mes textes depuis trois ans.

Au fil des années, notre couple (illégitime de mon coté) est passé par différentes phases, depuis l'évidence et la certitude jusqu'aux doutes et aux interrogations. Lors des deux premières années elle fut immensément patiente et confiante, puis de guerre lasse tenta de se construire une vie dans laquelle je garderais une place tout en lui permettant de ne plus m'attendre, une vie où s'épanouir en tant que femme. Ce fut à cette période que mon cerveau accepta mais que mon coeur se fendit, s'ouvrant dans la douleur à l'amour immense que j'avais pour elle et assumant enfin les décisions à prendre. Mais la façon dont cet amour s'exprima fut une lame dans sa chair et notre histoire connaît aujourd'hui, pour la première fois, la crainte et le chaos.

Nous naviguons à présent dans une terra incognita sans topographie ni boussole, avec Nous comme un phare et deux seules certitudes : je suis son Amour et elle est le mien.

Pourtant nos chemins se tracent au jour le jour sans savoir quand -ou même si- ils sauront se rejoindre. Les siens sont complexes, infiniment, et tout est à réinventer.

Alors aujourd'hui je me devais de faire un choix : je pouvais confier à ces pages mes états d'âme, mes souffrances et mes espérances avec le risque d'instrumentaliser cet espace public et de m'en servir pour passer des messages adressés à elle seule.

Je pouvais aussi décider d'éviter soigneusement ce sujet qui est pourtant au coeur de mes pensées, et ainsi trahir la vocation autobiographique de ce blog et l'appauvrir.

C'est pourquoi j'ai finalement choisi de mettre "Memorandhomme" en sommeil le temps que l'intimité fasse son oeuvre, d'elle à moi et de moi à elle.

Alors peut-être seulement, reviendra le temps de la parole publique.

D'ici là je te remercie de ta compréhension, je te remercie de m'avoir lu avec constance et, souvent, avec sensibilité et intelligence. J'espère que tu seras là le moment (re)venu.

Je te souhaite bonne route, je vais cheminer un temps dans le silence des mots et dans la vie.

MemHo.

Publicité
Publicité
15 mars 2009

Play blessures

Alors comme ça Bashung t'es mort ?
Ca alors... A 61 piges.
Je crois que c'est encore ça qui m'a le plus surpris.
Parce que tu vois, à force de t'avoir toujours connu, à force d'avoir toujours une de tes chansons à chaque époque de ma vie, j'avais fini par penser que tu n'avais pas d'âge, que t'étais éternel.
C'est con de mourir à 61 ans.
Tu vois, un de mes premiers souvenirs de musique à la télé c'est "Gaby", à l'époque où on te présentait encore comme un chanteur Alsacien. A l'époque où personne pigeait que dalle aux paroles de Boris Bergman.
Je me souviens très bien de la première fois que j'ai entendu "Vertige de l'amour" à la radio. Mon légionnaire attend qu'on l'shunte / Et la tranchée vient d'être repeinte...
Et je me souviens que plus tard, j'avais une cassette où j'écoutais en boucle "Qu'est-ce tu fais / mais tu tapines Hambourg - Pas du tout c'est l'arrivée du tour" - Grand moment de surréalisme, l'écriture automatique appliquée à la chanson. André Breton aurait adoré.
J'ai pas aimé la période avec Gainsbourg et j'ai sauté directement à "Fantaisie Militaire", la photo de pochette avec ton visage entouré de nénuphars d'eau.
Entre-temps il y avait eu "Osez Joséphine", quand même, le clip où tu jouais de la guitare dos à dos avec Edith Fanbuena, mais surtout, surtout, il y a eu "Madame Rêve", une des plus belles chansons françaises ever...
Mais "La Nuit je mens"... Ah ce clip ! Cette fenêtre crade, ces moments d'humanité glauque, ces filles à la dérive et ces hommes de guingois. J'aurais passé des heures à cette fenêtre. La nuit, je mens, et effrontément...
Et puis "Aucun Express", quelle chanson... A te tirer des larmes de tristesse et de bonheur à la fois ! J'ai longé ton corps, épousé ses méandres, je me suis emporté, transporté, par-delà les abysses, par dessus les vergers...
Je t'ai vu une fois en concert, une seule. C'était la Tournée des Grands Espaces. A Bercy tu avais eu cette sortie magnifique, sur le dernier morceau la grande porte au fond de la scène s'était ouverte et tu étais sorti directement dehors, dans la nuit, il y avait ton manteau qui claquait dans le vent et je ne sais plus si c'est un effet de mon imagination mais je crois bien qu'il neigeait...
Comme je connaissais Emilie Simon qui faisait la première partie, j'étais allé backstage. J'avais parlé de romans fantastiques avec Mathias Malzieu et puis à un moment on était montés dans ta loge. Personne ne mouftait, tu trônais comme une sorte de parrain fatigué dans un grand canapé, il y avait ta femme qui aurait bouffé toute crue toute minette qui se serait approchée à moins de deux mètres, et de temps en temps tu demandais d'une voix douce et presque timide si tu avais été bien, si ça nous avait plu...
Et puis récemment je t'ai vu, sans ta grande chevelure, sans tes sourcils, mais toujours avec la même voix, je t'ai vu soulever difficilement ta Victoire de la Musique et tout à l'heure j'ai su que tu étais mort.
Et ça m'a fait tout drôle, tu sais ?
Alors après toutes ces chansons, tous ces souvenirs, toutes ces émotions, l'image que je vais garder de toi, c'est celle-ci.
Ta silhouette en longue veste de cuir, tournant le dos lentement et partant vers le fond de la scène, vers une porte ouverte sur la nuit, dans le vent froid et une neige qui, peut-être n'a jamais existé. Et un express qui, cette fois-ci j'en suis sûr, t'a emmené vers la félicité.

-

9 mars 2009

Zébrures

Elle était arrivée un peu en avance. Elle a remarqué que j’avais maigri.

 

Dans le restaurant aux baies vitrées tamisées de persiennes, nous avons commandé. Un poulet thaï au lait de coco pour elle, un poisson au gingembre cuit dans une feuille de bananier pour moi.

 

A la table de gauche un sosie de Christine Okrent parlait portefeuille de clientèle avec un ersatz de Claire Chazal. A la table de droite un groupe de filles en tailleurs discutait marketing et positionnement. Le tout bruissait comme une fourmilière polie.

 

La jeune femme en face de moi m’a raconté comment, la veille, elle avait été attachée, fessée, puis fouettée. Je lui ai demandé si elle avait des marques, elle m’a dit que oui, dans le dos. Je lui ai demandé si elle avait aimé ça, elle m’a répondu que oui. Amusée, elle m’a expliqué qu’elle avait fini par avoir mal à la mâchoire à cause d’une position curieuse prise lors d’une fellation.

 

Elle m’a demandé comment j’allais depuis la dernière fois que nous nous étions vus.

 

Je lui ai raconté l'inéluctable et absolue certitude pour celle que j'aime depuis trois ans. L’excavation des évidences enfouies sous les mauvaises raisons. La force du lien indénouable. Je lui ai raconté le dépouillement des faux-semblants, la décision de vivre enfin. Quoi qu'il advienne.

 

Je lui ai demandé si son poulet n’était pas bon, elle m’a dit qu’elle n’avait pas très faim.

 

Une larme a coulé lentement.

 

Elle est tombée sur la nappe blanche, bientôt suivie de deux autres qui sinuèrent le long de ses joues.

 

Je me taisais à présent.

 

Elle pleurait en me regardant dans les yeux, courageuse dans son chagrin. Je savais, bien sur que je le savais, mais  j'avais trouvé le moyen d'oublier...

 

J’ai pensé tendre la main, effacer les larmes, mais ce geste m’a paru déplacé. Et puis on n'efface pas les larmes. Alors je n’ai rien fait. Je l’ai regardée pleurer, sans rien dire.

 

 

24 février 2009

Rouge baisée

-

Ce matin, elle m’a envoyé un SMS : « Oups, la petite garce a oublié de mettre une culotte… »

 

Le message m’a pris par surprise. J’ai été saisi d’une bouffée d’images et de sensations contraires. Pendant quelques minutes, j’ai joué avec le téléphone, faisant disparaître puis réapparaître le message pour en distiller le pouvoir érotique.

 

J’ai décidé de ne pas répondre.

 

Vers midi, le téléphone a de nouveau bipé et j'ai pu lire « Mes bas contiennent difficilement mon désir, mes cuisses sont trempées »

 

A présent il est midi trente et je roule vers elle.


Elle m’attend à l'endroit que je lui ai fixé. Elle a assorti sa tenue à son humeur... une jupe écarlate, un cache-cœur de même couleur enserrant sa taille de plusieurs tours (« c'est pour m’empêcher de me déshabiller trop facilement, tu comprends ? ») et une fausse queue de cheval rousse qui répond au henné de ses cheveux et lui fouette les reins.

 

Elle monte dans la voiture, je mets le cap vers cet hôtel particulier qui accueille si libéralement nos étreintes clandestines. Un quart d’heure plus tard la voiture descend la rampe d’accès du parking souterrain voisin. Je coupe le contact.

 

Dans un silence de bêtes en chasse, nous nous attrapons violemment la bouche. Une morsure. Une envie de sang. Les mains agitées de spasmes. Corps. Peau. Sexe.

 

Elle est déjà à ma braguette, griffant le tissu comme un animal fouaille la terre. Bouton qui saute, mâchoires de métal soudain édentées.

 

Ma chair gonflée répandue dans sa bouche. Entre ses lèvres. Sur sa langue. Tête renversée contre l’appuie-tête. Soupir comme un râle. Prendre son visage entre mes mains, guider ma queue vers sa gorge.


J'entr'ouvre les yeux.
Talons tap tap tap. Une femme approche dans le parking. Collier de perles, pull cachemire, sacs à provisions. Je m'arrache à sa bouche. « Attends ! ». Je remets le contact, moteur qui gronde en écho entre les murs. J'enclenche la marche arrière, première, coups de volant.  Elle, poussée contre la portière, les yeux un peu fous, la jupe en haut des cuisses. Les pneus crissent sur le béton peint.

 

Là.

 

Une camionnette, le mur, et entre les deux un emplacement sombre.


Il y a un dieu pour les amants.

 

Je manœuvre la voiture pour la tapir dans l’encoignure.


Je subis une attaque d’une violence inouïe. Le dossier craque sous la poussée du corps de cinquante-cinq kilos lancé sur moi en balistique.

Ne plus avoir assez de mains. De bouches. De muscles. Etre partout. Haleter sous l’ivresse. Ma main qui agrippe son cou, ma bouche qui boit à la sienne. Qui mange à sa chair. Ses doigts verrouillés à ma queue palpitante comme au seul point fixe de ce bateau en déroute.

J’entreprends de délivrer son corps de son bustier comme si c’était la dernière chose que j'allais faire de ma vie. Un tour, deux tours, trois pour enfin libérer ses seins blancs fardés de rose. Lécher, sucer, les englober d’une bouche vorace et très vite se repaître de la douceur de sa chair intime parfaitement lisse, laper à l’orée de ses cuisses, résister à l’envie animale de mordre violemment la chair si tendre, maintenir de mes mains ses hanches qui s’élancent vers ma bouche à en faire craquer mon cou.

Jeter un œil, constater que les vitres sont déjà opaques de la vapeur de nos deux corps chauffés à blanc. Remercier la physique.

Se contorsionner pour qu’elle finisse d'ôter mon pantalon, basculer le dossier en arrière, la sentir enfin sur moi et oublier tout, tout à part ma chair gonflée au fond de sa chair dilatée, à part ses gémissements dans l’air raréfié, à part mes dents dans son bras et ses griffes sur ma poitrine lacérée.

Je suis une machine dans la machine, piston humain dans un univers mécanique, elle va jouir très vite, je plaque ma main sur sa bouche et endure sa morsure.

Elle s’arrache de mon sexe, elle s’extirpe de sa jupe, j’ôte les boutons de ma chemise pour me rendre compte qu’elle a l’air d’avoir été portée sous la douche -à quoi je vais ressembler en rentrant au bureau ?- je vois la sueur qui coule entre ses seins dans cet habitacle transformé en étuve, je sens mes cheveux collés sur mon front, elle se retourne, coince son corps nu entre les sièges baquets et m’intime de venir en elle.

Je transfuge du coté passager, je glisse mon membre dans sa fente, elle dit « Non, encule-moi ! » Nous sommes tellement mouillés et de tant de façons différentes que j’entre entre ses fesses sans hésiter, je vais et viens en elle en m’appuyant sur les appuie-tête, la voiture oscille sur ses roues, je vais desceller ses hanches de sa colonne vertébrale, encore, encore et encore et au moment où je déverse mon sperme dans ses entrailles elle implose au contact simultané de ma queue et des coutures du cuir fauve qui mordent sa peau, d’un cri qui fait résonner le métal noir.

Dehors, dans le silence revenu, des familles passent avec les courses du repas du soir dans le caddie.

Je m’extrais doucement, très doucement d’elle. Il n’y a pas un muscle qui ne me fasse pas mal. Je l’aide à se redresser, à s’asseoir enfin, elle est tétanisée. Les sièges sont glissants de stupre, nos visages sont noyés de sueur et de nos fluides, nos poumons happent les dernières molécules d’air vicié. Des gouttes d'eau glissent le long des vitres et dessinent des barreaux sur la buée.

Hagards, incrédules, nous nous regardons avec encore une trace de folie dans les yeux. Il va s’écouler de longues, de très longues minutes avant que nous ne puissions même bouger.

Ce matin, elle avait mis du rouge.

Et c’est vrai, elle n’avait pas mis de culotte.

-

16 février 2009

Big Bang

 

Ainsi me voilà dans la souffrance.

Dans cette souffrance aigüe qui me tord les tripes et me déchire le cœur.

Il serait long d’expliquer les derniers jours, très long.

Long d’expliquer comment ces longs mois de doutes muets, d’abandon, de respect mal compris et finalement mal vécu de part et d’autre ont fini, combinés à un usage malheureux de la chimie, par se concrétiser en une boule dure et glacée, étoile noire qui a tout attiré dans sa masse avant que d’exploser à l'intérieur de moi. Violemment.

Kamikaze portant sa propre ceinture d’explosif, je me suis déchiqueté le premier.

Le souffle a arraché la peau qui recouvrait mes yeux.

La lumière a brulé ma rétine décillée, a accentué encore la douleur.

Il a fallu accepter de voir, de regarder en face.

Il a fallu accepter de dire, et d’entendre.

Il a fallu voir le changement de l’autre.

Il a fallu accepter de se mettre à nu quand elle se tenait devant moi en armure.

J'ai gardé les yeux ouverts pendant que se répandait le souffle brûlant, et les garde désormais.

Je continue à détruire l’illusion que je me suis construite, consciencieusement.

Je me confronte méthodiquement à la souffrance, comme une brûlure d’acide à l’intérieur du corps.

Comme un deuil.

Comme la perte de l’innocence.

Comme une naissance, peut-être.

 

Publicité
Publicité
8 février 2009

Chute, tais-toi.

Deux jours passés allongés sous des piles de vêtements et de couvertures.
Peau presque en ébullition, couverte d'une pellicule de sueur.
Os glacés au plus profond.
Les dominos continuent leur chute dans ma tête.
Semaine après semaine.
Les derniers à tomber ont enfoncé la dernière cloison.
Le mur porteur de ce que je suis.
Le vide dans mon ventre s'agrandit, entraînant tout dans sa folle gravité.
Je suis une enveloppe de chair, un squelette qui tient debout par le plus grand des hasards.
Je suis un vaisseau en mouvement sur son erre, un automate qui sourit.
Au fond de mon corps, je sombre. Irrémédiablement.

17 janvier 2009

Mens-moi fort

Je n'oublierai jamais ce moment où, me retirant d'elle après que nous ayons joui ensemble, j'avais trouvé un morceau de latex collé sur le bout de ma verge.

Je n'avais rien dit. Je l'avais prise dans mes bras comme je le faisais ordinairement, je l'avais laissée me parler comme elle le faisait toujours. J'avais écouté, souris, j'avais regardé les photos qu'elle me montrait et dont elle était fière. En tenant le bout de préservatif entre mes doigts.

Puis je lui avais montré.

L'explication qu'elle avait trouvée pour justifier la présence de ce lambeau oublié au fond d'elle avait été abracadabrantesque mais elle l'avait élaborée en quelques instants, prenant juste un petit temps de création, celui d'un préambule, "j'ai honte de vous en dire la raison".

Je connaissais bien la manoeuvre, mes plus gros mensonges avaient toujours commencé par "Tu ne vas jamais me croire..." ; comme cette fois où une femme m'avait demandé pourquoi le moteur de recherche de mon ordinateur affichait "hôtel pour couples illégitimes" quand elle commençait à taper "hôtel pour week-end en amoureux"...

En rougissant incroyablement elle avait brodé une petite merveille de mensonge, réussissant à la fois à me faire culpabiliser et à détourner ma suspicion, un peu. Intérieurement j'avais applaudi l'artiste.

Mais plus que tout, j'avais admiré la femme, l'amoureuse.

Celle qui m'avait prévenu depuis des mois qu'elle ne se satisfaisait plus de notre vie en pointillés, celle qui me disait que je laissais beaucoup trop de place aux autres hommes et qui finalement, confrontée à cette révélation incroyablement triviale, faiblissait.

Je ne l'ai pas moins aimée pour autant.

La douleur de l'imaginer en train de jouir d'un autre corps que le mien s'effaçait doucement face à ce choix de ne pas me faire souffrir, face à ce souci de me protéger - dans tous les sens du terme.

Face également à cette preuve d'amour supplémentaire de la part de celle qui, avant moi, n'avait jamais pris la peine de mentir aux hommes à qui elle était infidèle...

-

13 janvier 2009

Memorandombres...

Il est quatorze heures trente et il devrait y avoir de la lumière.

 

Au lieu de cela il y a cette lampe allumée sur la table de nuit et dans cet appartement habituellement clair, des zones d'obscurité qui ont pris leurs aises.


Dans le coin du canapé, au-dessus de l’accoudoir. Entre la commode et le valet de monsieur, à l’angle de la bibliothèque et de la porte du salon. Et là encore, derrière les enceintes de la hi-fi. Des voiles d'un gris un peu sale, comme de la fumée de cigarette ou des toiles d’araignée.

 

Il est quinze heures et le clocher de l’église sonne quinze.

 

Alors on s’approche du coin du canapé, de la commode et du valet de monsieur. On s’avance vers l’angle de la bibliothèque. On affronte l’entrée du salon et on voit que l'ampoule électrique écarte bien les zones de gris. Comme la lampe de chevet et son abat-jour à nid d'abeilles. Comme la télévision allumée.

 

Mais l'ampoule électrique s’éteint, comme la lampe de chevet. Comme l'écran de télévision.

 

Il est quinze heures trente et la lumière qui sourd par la fenêtre est couleur de toile d’araignée. Couleur de fumée. Les lampes sont toujours allumées, ici, là, et là aussi. Comme les promesses d'un futur incertain.

 

Il est quinze heures trente et le clocher de l’église sonne et je ne compte plus.

 

Les ombres s’allongent et s’étirent sur les murs. Prennent leurs aises. S’installent.

-

Il est vingt heures. Il devrait y avoir de la lumière.

-

 

7 janvier 2009

Une couleur

Pourpre.

Le velours de théâtre des fauteuils aux boiseries dorées flambait dans la lumière de l’après-midi. Elle a pris mon poignet et ma main a été comme un pendule dans la sienne. L'heure a tourné de plus en plus vite et des années se sont écoulées, les ombres se sont allongées sur la table basse et les passants, les serveurs n’ont plus été que des formes grises. J’ai vu défiler les secondes, les minutes, les heures, je me suis demandé combien de temps il fallait observer avant d’agir. J’ai saisi le bout de ses doigts et les ai tenus comme des élytres de scarabée jusqu’à ce qu’elle les abandonne entre les miens. J’ai touché la couleur de sang séché sur ses ongles et son corps s’est débattu. Je lui ai dit que ça n’avait pas d’importance. J’ai parlé doucement car son visage pouvait s’effacer en un souffle. J’ai effleuré ses doigts, j'ai tracé le contour de chaque phalange, j'ai caressé la pulpe tendre de son index, de son majeur, de son annulaire. J’ai senti la chaleur qui avait fui sa main revenir dans ses veines. Elle a attrapé mes doigts à son tour, elle les a caressés avec une douceur attentive, bouche entrouverte, souffle retenu. Elle m’a demandé ce que nous faisions. Je n’ai rien répondu. Nos doigts se sont enlacés sous nos regards croisés, elle a regardé mes yeux sans ciller, je me suis penché vers son cou, j’ai respiré l’odeur de sa peau. A l’abri de ses cheveux j’ai frôlé sa joue. Elle a sursauté doucement, j’ai éloigné mon visage en effleurant la commissure de ses lèvres. Nos bouches se sont rapprochées avec lenteur, nos lèvres se sont touchées avec une patiente curiosité, troublées de leur familiarité.

Naturellement le monde a cessé d’exister.

-

2 janvier 2009

Sous le volcan

Dans ce salon avec cheminée qui flambe, la liste des professions des uns et des autres pourrait faire office de liste des membres du Rotary Club. Il y a là des médecins, des avocats, des chefs d'entreprises, des banquiers et même deux multi-millionnaires. Les enfants cools et souriants semblent sortir d'un dessin de Norman Rockell, Nintendo DS et Messenger en plus. Ca pourrait sentir les vins trop vieux et la nourriture trop riche, les femmes pourraient être emperlouzées et les hommes un peu gras. ll pourrait y avoir le Figaro Magazine sous la table du salon et ça pourrait parler des dernières prises de position de Laurence Parizot. Et je pourrais en ricaner, sauf qu'au lieu de ça tout le monde s'amuse vraiment et que moi aussi je suis sur la photo. Je suis assis sur l'accoudoir d'un des canapés en costume Dolce & Gabbana noir, cravate Thierry Mugler, chemise Pink  blanche à poignets mousquetaires et chaussures Testoni. Je souris parce que le maître de maison est en train de faire le pitre en présentant les amis de longue date aux nouveaux venus et que tout le monde rit aux éclats. Le champagne ne provient pas d'une grande maison au nom ronflant, il est juste très bon. Tout à l'heure les hommes se coupaient les mains en ouvrant les bourriches d'huîtres apportées de Bretagne, et celui-là dont le métier est d'acheter des banques mitonnait avec amour l'agneau de sept heures que l'on dégustera tout à l'heure. Un panoramique sur l'assistance permet de se rendre compte que les origines ethniques des uns et des autres couvrent toutes les parties du globe, de l'Asie aux deux Amériques et de l'Europe à l'Afrique. Les femmes ont des métiers à responsabilités et elles sont souvent jolies. Les hommes ne sont pas encore ventripotents et pas prétentieux pour deux sous, car personne ici n'est né favorisé. Pas de noms de grandes familles, pas de rente de situation. Dans ce groupe d'amis, on a perdu de l'argent en 2008. Parfois beaucoup. Mais on n'a pas perdu son sens de l'humour et dans les yeux il y a le plaisir manifeste d'être ensemble. Plus tard dans la soirée tout le monde massacrera des chansons en karaoké et dansera sur Laurent Garnier et Layo, les Ting Tings et Gabriella Cimli. Encore plus tard, la longue expert-comptable dont le mari est monté se coucher viendra planter ses yeux dans les miens et ondulera sur la musique en rivant ses fesses à mon pubis. Vers l'aube, la psychiatre sportive exigera que je la fasse danser en me glissant à l'oreille qu'elle n'a jamais mangé aucun homme, et l'intonation de sa voix me laissera penser qu'à défaut elle a dû en goûter un certain nombre... Le lendemain la grande maison retentira des rires des enfants autour de la table du brunch. Les patrons de société manieront le balai avec ardeur pour évacuer les kilos de cotillons tandis que l'avocat et le cardiologue démonteront la sono et les éclairages. La nouvelle année commencera bien, très bien même. Et chacun ici en profitera d'autant plus qu'il sera, peut-être, ruiné à la fin de l'année.

-

Publicité
Publicité
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 > >>
Mes mots random...
Publicité
Archives
Publicité